On a beaucoup raconté la commune de Luins, charmante bourgade de quelques centaines d’âmes nichée au cœur de la Côte. Située à l’écart du village, son église fait mentir l’adage mais attire pourtant de nombreux couples venus sceller leur union dans un écrin de verdure. Son sentier de randonnée, prisé des amoureux de nature, offre une vue imprenable sur les Alpes.

Depuis des siècles, ses vignes expriment un terroir reconnu, qui séduit amateurs comme connaisseurs avertis. Son château, classé monument d’importance nationale, garde les traces d’une histoire riche et souvent méconnue. Son auberge familiale, véritable point de repère transmis de génération en génération, est réputée loin à la ronde.

Mais au-delà de ces évidences, Luins révèle une personnalité plus riche encore et un regard porté vers l’avenir, à condition de l’examiner… d’un peu plus près.

La naissance d’un joyau de la Côte
Si les premiers vestiges humains de la région nous ramènent quelque 6000 ans avant notre ère, la plus ancienne trace historique du village de Luins sous son appellation actuelle remonte à 1115. Une histoire quasi millénaire qui n’a rien d’un long fleuve tranquille: en effet, cette terre riche et déjà plantée de vignes a toujours suscité la convoitise, devenant tour à tour un village bourguignon, puis savoyard, sous l’égide des Bernois. Ce n’est qu’à la faveur de la Révolution, puis de l’occupation française qu’elle a finalement été rattachée à la Suisse et à ce qu’on appelait alors le Canton du Léman.

Érigé au XIV^e siècle, le Château de Luins est le témoin privilégié de cette histoire et de ses rebondissements. Dédié très tôt à la viticulture, il accueille aujourd’hui encore des événements privés et des dégustations. Les quelque 10 hectares de son domaine en font l’un des fleurons de la production régionale de Chasselas.

Bien qu’il doive son apparence actuelle à sa dernière grande rénovation, en 1952, le temple de St-Pierre est plus ancien encore. Véritable joyau surplombant le village, cet édifice pittoresque allie tradition romane et gothique avec une simplicité touchante. Point d’orgue du sentier de randonnée, elle est prisée tant par les couples convolant en justes noces que par les promeneurs et les habitants en quête de calme et de spiritualité. Elle est également connue pour avoir accueilli la première femme pasteure du Canton de Vaud, en la personne d’Anne Maillard, figure marquante de notre paroisse.

Les armoiries de Luins ont également leur histoire, elle aussi pleine de rebondissements. En effet, notre commune est restée longtemps sans armoiries, jusqu’à se faire rabrouer en 1922. Le préfet de l’époque recommande alors d’accepter l’étude d’un héraldiste qui propose un écusson partagé verticalement en deux parties blanche et rouge, avec deux clefs en sautoir. Le champ de l’écu est celui de Payerne, dont dépendait notre église, et les clefs représentent Saint-Pierre, son patron. Cette version est loin de faire l’unanimité et un concours est ouvert aux citoyens. Deux projets sont alors présentés, tous deux sur fond inférieur vert avec trois lames dorées représentant les trois ruisseaux de la commune, avec un fond supérieur bleu. L’un représente l’église avec un soleil levant, l’autre un oiseau portant une missive vers le soleil. La commission cantonale les refuse et, en 1926, propose de revenir à la version de 1922.

Cette même année, des armoiries représentant les trois gueules à demi-vols de l’importante famille de Watteville, qui a eu longtemps pour siège le Château de Luins, sont adoptées à contrecœur. Furieuse de se voir imposer ainsi des armoiries, la Municipalité de l’époque s’y oppose vivement et décide d’en référer au Conseil Général suivant pour qu’elles ne soient jamais utilisées… en vain, puisque ce dernier reste inflexible. Heureusement, de l’eau a coulé sous les ponts et près d’un siècle plus tard, ces mêmes armoiries sont non seulement toujours en usage, mais largement acceptées de tous.

Enfin, l’histoire de Luins est intimement liée à celle du Vernay, une petite commune irréductible vivant en autarcie et en marge des pouvoirs en place, finalement dissoute en 1830 et partagée entre Luins et les villages avoisinants. Derniers vestiges de cette page de notre patrimoine: les deux Vieux Moulins du Vernay, ancrés sur la Dullive, et dont la première trace écrite remonte à 1331. L’un a été régulièrement agrandi et rénové avant d’être acquis par Maurice Schmutz en 1946, et exploité par sa famille jusqu’en 2008. Clin d’œil à l’histoire, après avoir définitivement cessé son activité, il connait un second souffle et renaît pour devenir une boulangerie avec un coin café. Le second moulin, quant à lui, a été reconverti en magnifique maison d’habitation tapie dans un petit bois, et s’offre au regard des curieux qui sauront la dénicher.

Une histoire vivante
Si l’héritage historique de la commune de Luins est riche et foisonnant, il n’est nulle part aussi vivace que dans sa tradition viticole. Nous avons la chance de compter parmi nous une dizaine de vignerons-encaveurs qui proposent une vaste palette de spécialités : chasselas, bien sûr, mais aussi du chardonnay, pinot gris, chenin, sauvignon, gewurztraminer, ou encore pinot noir, garanoir et grenache pour citer quelques rouges. Une richesse de cépages qui fait honneur à la richesse de notre sol et au talent de nos artisans, qui sont nombreux à avoir obtenu des médailles et récompenses prestigieuses. Leurs spécialités s’exportent loin au-delà de nos frontières, et se dégustent également dans la convivialité de notre Caveau des Vignerons, qui met en avant les crus des appellations Luins-Vinzel. Gage de cette tradition bien vivante et de son excellence, nous sommes particulièrement fiers que Jean-Daniel Berthet, un enfant de Luins, ait été couronné Roi de la Fête des Vignerons 2019 ! Par ailleurs, notre Municipalité a récemment dévoilé la nouvelle identité visuelle des étiquettes de notre vin de commune, avec un design qui reflète l’identité unique de Luins et la qualité de son vin. La recette de notre succès est séculaire, mais toujours dans l’air du temps.

Notre commune est cependant loin de se limiter à un village viticole de carte postale. Parmi les plus de 600 habitants de la commune, près d’un quart ont moins de 20 ans. La vivacité de notre tissu social s’est d’ailleurs exprimée récemment, lorsque le groupement scolaire a pris la décision de fermer deux classes à l’école de Luins en 2021, provoquant une forte réaction. Parents et habitants ont uni leurs forces pour organiser plusieurs actions de protestation, notamment des manifestations et une pétition qui a réuni 1275 opposants, préoccupés par l’impact de cette fermeture sur la qualité de l’enseignement et la répartition des élèves. La mobilisation a été marquée par une grande solidarité au sein de notre communauté, et a contribué à maintenir l’attention sur les besoins éducatifs de la région et à envisager des alternatives pour l’avenir des élèves.

Après 3 ans d’interruption, la vie enfantine a repris dans les locaux transformés. L’ouverture d’une nouvelle crèche-garderie en septembre 2024 marque l’aboutissement d’un projet de longue haleine, porté à bout de bras par toutes celles et ceux qui croient en l’avenir du village. Les efforts et les heures de travail ont enfin porté leurs fruits, et chaque obstacle surmonté rend le résultat final encore plus gratifiant.

Terroir en partage
Impossible pour moi de clore un portrait de Luins sans mentionner son Auberge, un établissement familial tenu par la troisième génération de propriétaires et qui fait notre fierté. Une clientèle d’habitués y côtoie dans la bonne humeur touristes et gastronomes de la région pour déguster ses fameux Malakoffs et autres spécialités du cru.

Il en va de même pour le Sentier des Châtaignes, qui nous relie à nos voisins de Vinzel et Bursins en serpentant à travers la forêt, à la découverte de la cinquantaine d’essences d’arbres qui la peuple. On le parcourt en famille avec un guide interactif pour apprécier sa biodiversité, en bonne compagnie lors de balades oenotouristiques au départ du Caveau ou simplement pour le plaisir d’une belle promenade avec une vue à couper le souffle sur les Alpes et les coteaux viticoles. Arrêt obligatoire au refuge du Devens, parfaitement intégré au site grâce au travail exemplaire d’artisans locaux avec le bois de la région, pour profiter du panorama.

J’aurais aimé vous parler aussi de nos fontaines, de nos cabanes de vignes, de la traditionnelle Fête du bourru, et de tant d’autres choses encore. Et, surtout, des Luinoises et des Luinois, de leurs caractères, leurs engagements et leurs aspirations, mais la place me manquerait à coup sûr.

C’est pourquoi je vais simplement vous inviter à vous joindre aux randonneurs, aux gastronomes, aux cyclistes, aux jeunes couples, aux amateurs d’un petit verre de blanc, aux touristes et à tous les curieux et enthousiastes qui nous font le plaisir de nous rendre visite en nombre. Il n’y a qu’ainsi que vous découvrirez le charme de notre village, et je sais déjà que vous reviendrez!